Les Bureaux - 1 place de la LIBERTE 26500 bourg-les valence - Les studios l'annexe - 11 rue dupont 26500 bourg-les-valence - T / F : + 33 (0)6 49 33 65 59

- La composition instantanée -

La composition instantanée, c’est une autre façon d’écrire des spectacles. La première œuvre artistique humaine a forcément été réalisée en composition instantanée ; comme une expression immédiate, un besoin urgent de communication. Cet acte s’est par la suite affirmé et structuré en un mode d’écriture de pièces à part entière.

Par cette démarche artistique, l’artiste affirme sa partition intérieure, ouvre son attention et ses perceptions, dialogue avec le public, et prend également en compte la grammaire scénique. Les vocabulaires corporels, gestuels, vocaux, musicaux, cinématographiques et lumineux ont ainsi autant d’importance que les interlocuteurs d’une même discussion. Les artistes sont complémentaires et jouent de cette connivence.

La composition instantanée agit en réponse aux sensations qui traversent la salle, la scène, la rue, le public. Elle présente donc l’avantage d’être à l’écoute des différences et de la disponibilité de chacun. Elle éveille la curiosité et invite toute personne à prendre part au spectacle à sa manière…


Extraits d’interview de Julie Serpinet par Marion Jacquier mémoire - réalisé à l’I.U.P. Denis Diderot – Université de Bourgogne - « Le décloisonnement artistique : la quête d’une légitimité pour l’improvisation en danse et en théâtre »

pages : 1/2

- La composition instantanée

Qu’est-ce que la composition instantanée ? Est-ce de la danse ou du théâtre ?
Julie Serpinet : La chorégraphie ou la mise en scène comme nous l’entendons la plupart du temps est entièrement écrite dans son fond et dans sa forme au préalable. Cette forme est répétée des milliers de fois pour trouver le geste, le mot juste qui corresponde au fond, à l’âme de la pièce… Tout l’art de l’interprète se situe donc dans le fait de faire revivre ces gestes, ces mots au moment du spectacle pour qu’ils résonnent comme la toute première fois aux yeux des spectateurs… En ramenant ce processus aux mots, le travail d’un chorégraphe serait ainsi comparable à celui de l’écrivain ou du poète, qui raye ses mots, en utilise d’autres jusqu’à trouver le bon, celui qui corresponde exactement à la composition globale de son texte… le chorégraphe définit donc en studio, ce qu’il va dire et comment il le dira à chaque fois, devant tous les spectateurs… l’interprète, lui, révèle ce texte, le joue, le donne à voir.
Le directeur d’une pièce en composition instantanée ne s’attache pas aux mêmes choses que le chorégraphe, bien que le but de chacun soit le même : offrir une pièce au public.
Ainsi, le directeur d’improvisation travaille moins avec l’écrit, mais plus avec la parole, ce qui n’exclut pas la construction… A la manière du dialogue, le but est bien évidemment que chaque créateur connaisse les intentions exactes de la pièce, que chacun ait cerné l’âme… Cela revient donc à savoir ce que l’on va dire, avant d’ouvrir la bouche…
Ensuite, tout le travail consiste à acquérir un vocabulaire le plus large possible (gestes, mots, musique, lumière…) et une connaissance exacte de la construction d’une phrase et d’un texte (composition scénique : comment le dire, quand le dire et où le dire ?)… A partir de là, la pièce peut devenir dialogue : de la même manière que l’orateur qui, dans son discours, peut utiliser, selon ses auditeurs et selon les contextes, des mots et des phrases différentes pour exprimer la même intention, les créateurs d’une pièce en composition instantanée composent la pièce selon leurs publics afin d’offrir au plus juste l’âme de la pièce… Même si chaque présentation, dans la forme, est différente de la précédente, la pièce reste donc la même dans le fond, dans l’âme…
Le travail en amont est différent, mais le but est foncièrement identique : la création d’un spectacle que l’on va offrir à un public donné, dans un lieu donné, à un moment donné…
Ainsi, la séparation danse, théâtre, musique me paraît dépassée lorsque l’on parle de composition instantanée : pour moi, l’artiste est avant tout un être humain médiateur de sensations, de pensées ou de toutes autres expressions dirigées vers un public. Ce quelque chose est exprimable par tous les outils à disposition de l’artiste : son corps évidemment d’où découle toute sa créativité et son éventail de possibilités : danse, théâtre, voix etc etc…
Le but est de mettre à disposition tous les moyens que l’on a sous la main pour se faire comprendre du mieux que l’on peut, tel que l’on agit dans la vie : vous pose-t-on la question de savoir si en vous exprimant sur un sujet vous vous exprimez plus avec votre voix, avec votre corps ou avec votre esprit ??? Non on essaie simplement de vous comprendre avant de vous coller une étiquette… Le spectacle devrait marcher de la même manière…

S’agit-il d’une forme spectaculaire ?
JS : Oui totalement à mon sens.

Pour aider à approfondir la définition de la composition instantanée, pouvez-vous la comparer à d’autres formes d’improvisations corporelles (contact-improvisation, danse improvisée…) ?
JS : Difficilement comparable car c’est comme comparer des haricots verts et des petits pois… ça a la même couleur, on les classe tous dans les légumes… mais on n’utilisera pas les haricots verts ou les petits pois pour la même chose, dans le même but… On ne les mélangera pas avec les mêmes aliments, on ne les cuisinera pas de la même façon et on ne les consommera pas forcément au même moment.
De plus à l’intérieur même des haricots verts et des petits pois, chaque légume est différent dans sa forme et dans son goût… rien n’est plus différent d’un haricot vert qu’un autre haricot vert donc… et encore plus selon les épices qu’on utilise pour les préparer…

Peut-on dire que vous proposez une approche originale de la danse ? Du théâtre ?
JS :
C’est un haricot vert parmi d’autres… il est original parce qu’il a sa forme, son goût, sa texture, son odeur, ses épices, sa préparation… mais l’avantage du haricot vert c’est qu’il n’a aucune prétention à part celle d’être mangé au mieux par qui a faim ! Il n’a donc pas de souci de comparaison, ni de reconnaissance mais il n’a comme souci que sa propre vie : c’est à dire :

1. Comment vais je faire des petits pour diversifier l’espèce et la prolonger…
2. Pourvu que je sois mangé avec appétit !

Quand la compagnie Songes a-t-elle été fondée ? A la suite de quoi a-t-elle vu le jour ?
En 1998, Songe au ciel  le premier spectacle, devait être monté pour ma survie en quelque sorte, donc à la suite de cette vision que j’avais besoin d’épancher sur scène… c’est une première pièce… avec tout ce que cela comporte d’erreurs de débutants… mais grâce à elle je n’ai aucun regrets… que des remords !

Quels étaient les objectifs de départ ?
JS :
Développer mon propre travail car ce qui existait sur scène en Europe (à part en composition instantanée) m’émouvait rarement…

Ont-ils évolué jusqu’à aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a changé ?
JS :
C’est fondamentalement la même chose avec de la maturité et une plus grande envie d’ouverture sur les autres : j’ai moins d’urgence à faire mes preuves… je peux prendre du temps pour poser les choses, ouvrir la création à d’autres, utiliser la structure pour éveiller les curiosités sur tout.